
- Ce dessin de FRAP date d’avant…
Le Parti socialiste a décidemment bien du mal avec la présidentielle à la mode Vème République. A une époque Jean Poperen (et, si ma mémoire est bonne, Dominique Strauss-Kahn), avaient plaidé pour une conversion des socialistes à un vrai régime présidentiel (sans premier ministre ni droit de dissolution), paradoxalement mieux respectueux du parlement que notre monarchie républicaine. Mais la tradition sociale-démocrate européenne a été la plus forte : parlementaristes nous avons été conçus, parlementaristes nous restons. Nous devons donc gérer la contradiction entre la logique inscrite dans nos gène politiques et la primauté acquise, contre notre gré, par l’élection présidentielle depuis 1962. Notre logique c’est que le parti se dote d’un projet, d’ un programme, d’un-e Premier secrétaire et c’est à lui ou elle de conduire la campagne de la seule élection qui nous corresponde vraiment, celle qui est déterminante dans toutes les démocraties parlementaires européennes : la législative. Et c’est ce chef de parti qui gouverne en cas de victoire. C’est le modèle 1997 avec Jospin. Clair, logique…et victorieux.
Seulement, voilà, c’est avec la meilleure foi du monde, prenant acte de la primauté incontestable de l’élection présidentielle dans l’esprit de nos concitoyens, que nous avons décidé de nous y conformer en inversant le calendrier de 2002, plaçant la législative après la présidentielle alors que rien d’autre qu’un sentiment très largement partagé que faire les choses dans l’autre sens n’était pas raisonnable ne nous y obligeait. Comme il advint la catastrophe que l’on sait, nous avons depuis une présidentielle précédant la législative, ce qui rend très peu probable une cohabitation mais nous replonge, Mitterrand mort et Jospin retiré, dans des affres schizoïdes, vénérant le collectif, le vote militant et la représentation nationale et pleurant l’instant d’après l’absence d’un leader charismatique aussi capable de s’asseoir sur les textes de congrès sans que personne ne moufte. Ô mânes de François Mitterrand !
Depuis nous avons poussé le perfectionnement jusqu’à devoir choisir notre premier-e secrétaire parmi des personnalités ayant en commun leur absence voulue ou subie du lieu dédié par excellence au débat démocratique national : le parlement. Des champions du paradoxe, je vous dis !
Un congrès de Reims, une crise financière mondiale exceptionnelle de soudaineté et d’ampleur, et un délitement de la ploutocratie Sarkozienne plus tard, force est de reconnaître que les paris que faisaient certains dès 2007 sur le caractère inéluctable notre défaite en 2012, et qui se préparaient donc sans vergogne au coup d’après, sont aujourd’hui aussi hasardeux qu’ils étaient scandaleux. Y compris parce que Martine Aubry a su remettre le Parti au travail, ne lui marchandons pas cette reconnaissance.
La gauche peut et doit gagner a prochaine présidentielle. Les pronostics les plus sombres que nous faisions avant 2007 sur la situation de la France en cas de victoire de Sarkozy se sont révélés insuffisamment pessimistes.
L’alternance sera-t-elle suffisante, pour remettre la République à l’endroit, selon la jolie formule de JMA, je n’en sais rien. L’élu local d’un quartier populaire que je suis sait qu’elle est juste nécessaire pour les gens qui y habitent, ne serait-ce que parce qu’ils finissent par ne plus y croire eux-mêmes.
Il y a quelques temps, j’expliquais ici même que l’unité derrière celui ou celle qui, étant le mieux en situation d’être Président-e, allait gagner la primaire serait mon choix, que ma préférence personnelle avait somme toute bien peu d’importance et qu’il convenait dès lors de ne pas se précipiter. Evidemment, ce raisonnement suppose de faire l’effort de considérer que s’il y aura un-e candidat-e socialiste désigné-e démocratiquement et un-e seul-e, il n’y aura pas de gagnant ni de perdants. Il n’y aura pas d’un côté des winners et de l’autre des losers et les procès en opportunisme n’ont donc pas de sens. A condition de bien faire la différence entre cette primaire socialiste et un congrès du même nom.
Déférence gardée envers les autres, j’ai considéré que cela se jouerait entre Ségolène Royal (les 47 % du second tour de 2007, ce n’est pas rien) DSK (la compétence et la stature internationale) ou Martine Aubry (et si pour une fois on faisait simple : la première secrétaire candidate) et celui que je préfère depuis qu’il a remis à flot un P.S en lambeau après 2002 puis qu’il l’a sauvé de l’éclatement en 2005, François Hollande.
Ah ! Les « si » ! Si il avait dit qu’il était candidat pour 2007, au terme du congrès du Mans, après nous avoir quasi imposé une synthèse dont nous n’avions pas envie, mais qui marquait que, grâce à lui et malgré l’affaire du Traité Constitutionnel Européen, le Parti socialiste n’éclaterait pas, les choses auraient été réglées ! Seulement, en 2006, s’il a manqué de cette détermination qui fonde comme un préalable la crédibilité d’une candidature c’est qu’il n’y était probablement pas prêt. Ce que Rozès nomme la dimension spirituelle de l’élection présidentielle française impose une drôle de tournure d’esprit. Il faut croire dur comme fer à son destin, se sentir investi d’une mission pour affronter ce qui est une véritable épreuve, et d’en avoir envie au-delà de toute raison, jusqu’à ce que les autres y croient et en aient envie aussi. Sans parler que le job n’est pas de tout repos…
Bref, le train de 2007 est passé sans qu’Hollande apparaisse à aucun moment en situation de concourir. « C’est le meilleur mais personne n’y croit en tant que Président », était le leitmotiv. L’irrésistible vague Ségolène Royal a emporté le reste et je n’ai pas l’ombre d’un regret d’y avoir ajouté ma goutte d’eau, même si ce n’était pas sans réserve. C’est elle que les Français de gauche voulaient. Dont acte.
Aujourd’hui , force est de reconnaître que l’empêchement de DSK nous place dans une situation bien différente. Non qu’il ait jamais suscité le même type d’engouement que Ségolène en 2006 mais il s’imposait dans l’opinion comme l’homme de la situation économique internationale, celui qui pouvait nous tirer de là…Même si son apparente hésitation et son positionnement très clivant me faisait craindre qu’il ne soit pas un bon candidat de 1er tour. Et le 1er tour, on sait ce qu’il en coûte d’oublier de le prendre en compte en tant que tel…
Pendant ce temps, François Hollande traçait sa route, se préparait. Parlementaire, il a cette légitimité qui reste à mes yeux indispensable en démocratie. Il y ajoute celle de Président de Conseil général de Corrèze. Il est ainsi ancré dans la réalité de la plus vieille des institutions républicaines sur un territoire symboliquement riche des problématiques du pays à bien des égards. Cette double légitimité est à l’évidence un atout pour l’échéance qui se profile.
Il a donc, ces derniers mois, accompli une mue présidentielle dont je doutais qu’elle fût possible. Certes, il était utile que sa chemise froissée ne sorte plus en permanence de son pantalon à la tribune des meetings où il excelle mais ce n’est évidemment pas le plus important. Avant même la très pénible affaire new-yorkaise, il avait réussi à changer le regard porté sur lui par beaucoup de gens par la pertinence de ses réactions politiques, et sa capacité à mettre en avant deux priorités que je crois effectivement essentielles : la première c’est la jeunesse. Lui redonner confiance en l’avenir, rétablir ce cours normal des choses qui veut qu’une génération puisse espérer vivre mieux que sa devancière, c’est redonner une perspective à tout un pays. La seconde c’est la réforme fiscale et la nécessité de mettre fin à la dégressivité scandaleuse de notre système.
Et cela fait un moment que, surveillant les enquêtes d’opinion d’un œil faussement distrait, j’observe chez beaucoup de gens dans et surtout hors du Parti socialiste, cette inclination prendre corps et se traduire parfois par le soulagement de celui qui découvre qu’il n’est pas aussi seul qu’il pouvait le craindre. Eh non ! Se dire que, tout bien considéré, le moment de la rencontre avec François Hollande est peut-être bien venu n’est plus une incongruité ou un sentiment qu’on cache trop prudemment faute d’avoir perçu qu’il était largement partagé.
Alors oui mon choix de cœur devient, je le pense, un choix de raison. Mieux que Ségolène, dont je maintiens qu’il ne faut pas sous-estimer son impact dans les milieux populaires, il peut incarner une victoire possible. Mieux que Martine, pourtant nantie de la légitimité de sa fonction de 1ere secrétaire pour conduire ce combat, il apparaît prêt à affronter l’épreuve de la campagne, préparé à la fonction et mieux armé pour rassembler toute la gauche et au-delà de la gauche. Les autres candidatures sont évidemment légitimes mais ce n’est pas suffisant pour leur donner un sens au regard de l’objectif à atteindre.
Alors il en reste du chemin à faire ! Il y en a des marches à franchir ! Il y en a des écueils à éviter ! Et si demain montait du pays une autre aspiration, il faudrait savoir l’écouter. Mais j’ai envie de cette aventure-là. Je m’y sens bien, à l’aise dans mes baskets politiques, sociales d’abord, réformistes, européennes, écolo jamais décroissantes, résistant mal au bonheur de faire rire mais jamais de manière gratuite, tendues vers la cohérence d’une démarche et le sens d’un engagement.
Alors c’est parfaitement conscient de l’extrême modestie de l’impact de cette prise de position au regard de la dimension que nos primaires devront avoir pour que leur résultat génère la dynamique politique dont nous avons besoin pour gagner l’an prochain, que je vous le dis : pour moi, c’est François Hollande !
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